Expropriation en Espagne : cadre juridique, procédure, indemnisation et droits de réversion

L’expropriation est définie juridiquement comme le processus par lequel une autorité publique acquiert un bien privé sans le consentement du propriétaire, à condition que cette acquisition soit justifiée par un motif d’utilité publique ou d’intérêt social et fasse l’objet d’une indemnisation équitable.

En termes juridiques, peu de mesures étatiques ont un impact aussi profond sur les droits de propriété que le transfert obligatoire de propriété. Si l’expropriation peut servir des objectifs publics légitimes, tels que la construction de routes, de chemins de fer, de ports ou de logements sociaux, elle suscite également de vives inquiétudes parmi les citoyens, étant donné que ce processus implique de céder, parfois contre son gré, sa propriété à l’administration.

Le présent rapport vise à fournir un aperçu détaillé et accessible du processus d’expropriation en Espagne, de ses fondements juridiques, des principales étapes de la procédure, des types de biens susceptibles d’être expropriés et des droits des propriétaires concernés, y compris le droit de retour.

Base juridique de l’expropriation en Espagne

L’expropriation en Espagne est régie par un cadre législatif solide, principalement :

  • Ley de Expropiación Forzosa (1954) – loi sur l’expropriation forcée.
  • Reglamento de 1957 – règlement d’application de la loi de 1954.
  • Décret royal législatif 2/2008, du 20 juin – texte consolidé actuel de la loi espagnole sur le sol (Texto Refundido de la Ley del Suelo).

Ces instruments juridiques habilitent différents niveaux de gouvernement – État, communautés autonomes, provinces, municipalités et îles – à procéder à des expropriations, à condition que la mesure soit justifiée et suive une procédure juridique rigoureuse.

Le principe de « l’utilité publique »

La déclaration d’utilité publique (declaración de utilidad pública) est la pierre angulaire de l’expropriation légale. Sans cette déclaration formelle, aucune expropriation ne peut avoir lieu. Cette exigence garantit que la propriété ne peut être expropriée que lorsque le bien est indispensable à un projet d’intérêt public tel que :

  • Les infrastructures de transport (routes, chemins de fer, aéroports).
  • Les services publics (écoles, hôpitaux, parcs publics).
  • Services publics (réseaux d’approvisionnement en eau, réseaux électriques, égouts).
  • Développements stratégiques (installations militaires, conservation de l’environnement).

La déclaration doit être faite uniquement par des institutions publiques — les entités privées, y compris les entreprises publiques telles que la RENFE ou l’ADIF, ne peuvent pas procéder directement à l’expropriation. La responsabilité incombe, par exemple, au ministère des Transports et des Travaux publics (Ministerio de Transportes, Movilidad y Agenda Urbana).

Que peut-on exproprier ?

Bien que l’expropriation concerne le plus souvent des biens immobiliers, le concept juridique s’étend à tout droit ou bien privé pouvant être considéré comme essentiel à l’intérêt public. Cela comprend :

  • Les terrains et les bâtiments.
  • Les biens mobiliers (véhicules, machines, œuvres d’art).
  • Les droits incorporels (servitudes, baux, actions, obligations).
  • Les droits contractuels ou les licences.

 

La procédure d’expropriation en Espagne

1. Déclaration d’utilité publique

La procédure commence par une déclaration formelle d’utilité publique par un acte gouvernemental (souvent par le Conseil des ministres). En cas d’urgence, cette déclaration peut être implicite si l’intérêt public est évident et le besoin immédiat.

Le projet et la liste des biens concernés doivent ensuite être publiés dans :

  • Le Boletín Oficial del Estado (BOE).
  • Le Journal officiel de la province.
  • L’un des journaux locaux les plus diffusés.

2. Information du public et allégations

Une fois publiée, la procédure entre dans une période de consultation publique de 15 jours, pendant laquelle les personnes concernées peuvent :

  • Examiner le plan d’expropriation.
  • Soumettre des observations ou des objections concernant des erreurs techniques ou des vices juridiques.

Après cela, l’administration dispose de 20 jours supplémentaires pour examiner et répondre. Une fois la question résolue, elle émet une déclaration officielle de nécessité d’occupation (declaración de necesidad de ocupación), qui doit être notifiée individuellement à tous les propriétaires concernés. Cette notification individuelle est obligatoire ; son non-respect peut entraîner la nullité de l’ensemble de la procédure.

3. Droit de recours du propriétaire

Bien que les propriétaires ne puissent pas s’opposer à l’expropriation une fois que l’utilité publique a été déclarée, ils peuvent :

  • Contester la déclaration d’utilité publique ou
  • Contester la nécessité de l’occupation, notamment pour vice de procédure, devant les tribunaux administratifs.

Une fois officiellement notifié, le propriétaire dispose de 10 jours pour présenter ses objections. L’administration doit statuer dans un délai de 20 jours. Pendant cette période, la procédure est suspendue pour une durée maximale de 30 jours.

Indemnisation : le « Justiprecio » ou juste prix

Une fois la nécessité de l’occupation confirmée, le propriétaire a droit à une indemnisation équitable, appelée « Justiprecio ». Cette indemnisation vise à refléter :

  • La valeur marchande du bien ou du droit.
  • Les dommages ou pertes causés par l’expropriation (perte de revenus, frais de déménagement, etc.).

 

Règlement à l’amiable

La loi encourage un règlement à l’amiable dans un délai de 15 jours. Si les deux parties s’accordent sur le montant, la procédure est close.

 

En cas de désaccord

Si aucun accord n’est possible :

  1. Le propriétaire soumet une proposition d’évaluation (Hoja de Aprecio) dans un délai de 20 jours.
  2. L’administration peut :
    • L’accepter et payer le montant proposé.
    • La rejeter et présenter sa propre contre-évaluation.
  3. Si le désaccord persiste, l’affaire est renvoyée devant le Jury provincial d’expropriation (Jurado Provincial de Expropiación).

Ces organismes indépendants, présents dans chaque capitale provinciale (par exemple Alicante, Valence, Almería, Murcie, Malaga), sont composés d’experts juridiques, administratifs et techniques. Leur décision est contraignante mais peut faire l’objet d’un recours devant les juridictions supérieures.

Retards et indemnisation supplémentaire

Si l’administration ne parvient pas à :

  • Se prononcer dans un délai de six mois, des intérêts sont ajoutés à l’indemnisation.
  • Payer dans un délai de deux ans, une réévaluation (retasación) du bien est nécessaire afin de refléter les conditions actuelles du marché.

 

Droits de réversion : le propriétaire peut-il récupérer son bien ?

Le droit de réversion (derecho de reversión) est une garantie juridique destinée à protéger les propriétaires dans les cas où :

  1. Le terrain exproprié n’est finalement pas utilisé aux fins publiques déclarées.
  2. Aucun travail public n’est entrepris dans les deux ans suivant la saisie du bien.
  3. L’utilisation prévue est abandonnée ou modifiée à des fins non publiques (par exemple, exploitation commerciale).

Dans ces cas, l’ancien propriétaire (ou ses héritiers) peut demander la restitution du bien en remboursant l’indemnité reçue, ajustée en fonction de l’inflation.

Exceptions au droit de réversion

Le droit de réversion ne s’applique pas si :

  • Le terrain est réaffecté à un autre service public légitime.
  • Le terrain a été utilisé à des fins publiques pendant plus de 10 ans.

Remarques finales et conseils juridiques

La procédure d’expropriation en Espagne est très technique, réglementée et implique souvent d’importantes négociations et litiges. Si les autorités sont habilitées à agir dans l’intérêt public, les propriétaires conservent des droits importants en matière de procédure, d’évaluation et de réversion.

En raison de la complexité et de la longueur des procédures d’expropriation, en particulier dans le cas de grands projets d’infrastructure (par exemple, les lignes ferroviaires à grande vitesse AVE, l’extension des autoroutes ou les réaménagements urbains), il est fortement recommandé de solliciter les conseils d’un juriste spécialisé.

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  • Madrid et ses communes environnantes
  • Barcelone et les villes catalanes environnantes
  • Bilbao et le Pays basque
  • Gijón et le nord de l’Espagne
  • Communauté valencienne et Costa Blanca
  • Andalousie, Murcie, Îles Baléares

 


 

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